JOUR 5 > FJORD NORD : GLACIER SVEA
- Eric Poulhe
- 4 août 2015
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 avr. 2020
Au petit matin, le temps est brumeux et humide. Nous partons en direction de la rivière et de la cascade proche afin de faire le plein d’eau. L’eau collectée dans la rivière est chargée d’alluvions. En caleçon et vêtement de pluie, Miriam décide d’aller remplir les gourdes directement sous la cascade, en espérant une eau plus limpide. Le résultat ne sera pas tellement mieux, mais nous ne la blâmerons pas et nous en contenterons.





De retour au bivouac, nous décidons d’échanger les kayaks avec les filles qui feront équipe dans le K2, les garçons, chacun dans un kayak. Le kayak Inukshuk de Boreal que j’ai récupéré, quoiqu’un peu lourd, est plutôt agréable à manier. Le sac photo étanche posé entre les jambes sous la jupette, je donne mes premiers coups de pagaie avec des sensations plutôt bonnes. Mes problèmes gastriques sont désormais oubliés.
Le temps restera brumeux toute la journée et nous longeons la côte jusqu’au cap Sveaneset. Les petites falaises rocheuses qui bordent la côte à cet endroit sont colonisées par de nombreux oiseaux dont le Guillemot à Miroir ou Black Guillemot. C’est l’heure du déjeuner pour les jeunes Guillemots. D’un cri strident, bec grand ouvert laissant apparaitre un intérieur rouge éclatant, ils appellent leur mère afin qu’elle apporte la nourriture tant désirée.



Passé le cap, nous obliquons vers la baie du glacier Svea qui est un spot très prisé. Nous identifions au moins quatre campements, dont les deux premiers sont ceux des compagnies françaises Grand Nord Grand Large et 66° Nord. Le guide français de GNGL, carabine en bandoulière, nous fait signe de nous approcher et engage une conversation en anglais avec moi, pensant que je suis moi-même le guide du groupe. Il me demande d’où nous venons et où nous allons. Je lui indique que je suis français avec un groupe de scandinaves et que nous ne savons pas encore où nous allons bivouaquer. Il me raconte alors qu’un ours a été repéré il y a deux jours au camp d’été des Norvégiens un peu plus haut vers le glacier. Il y aurait fait des dégâts, et se serait ensuite enfui sur le glacier. Cette histoire est déjà très excitante. Pour tout voyageur des régions polaires, la récompense ultime est de voir le seigneur arctique en chair et en os. Dans un mélange de curiosité et d’excitation, nous prenons la direction du camp des Norvégiens afin d’en avoir le cœur net et aviserons alors du choix du bivouac sur place ou plus loin.


Le camp se compose en fait d’une grande tente collective de type militaire avec à l’intérieur tables, bancs, éléments de cuisson et vaisselle diverse. A l’extérieur se trouve une réserve de bois de chauffage et des jerricans d’essence. Nous trouvons bien les traces de l’ours qui est venu sur le site en s’intéressant plus particulièrement à l’intérieur de la tente, sans doute à la recherche de nourriture. Il a signé son passage en concevant deux nouvelles aérations verticales de deux mètres avec une précision chirurgicale. Toujours est-il que l’ours polaire ne semble pas apprécier la bière car, après avoir renversé quelques bancs et un peu de vaisselle, il a éparpillé les canettes tout en les laissant intactes. Au vu de ce luxueux centre d’hébergement, et après un long conciliabule, nous décidons de bivouaquer ici. Après une nuit de repos, nous apprécierons mieux le lendemain la navigation devant le glacier.




Nous profitons du confort des installations laissées à notre disposition. Pendant que les vêtements de bateau sèchent sur une corde à linge à proximité du feu, le dîner est royalement pris à table, assis sur des bancs confortables, avec pour panorama le fjord et son glacier.




Les tours de garde auront une saveur particulière avec un mélange de crainte et d’espoir de surprendre l’ours de retour au camp, même si, selon Calle, l’ours ne revient jamais deux fois au même endroit. Toujours est-il, que Calle nous demandera pendant la ronde de grimper sur une hauteur au-dessus du campement, afin d’avoir une vue plus dégagée sur le camp et les alentours. J’appliquerai scrupuleusement ses consignes pendant mon tour de garde. Toutefois, à l’approche du sommet, je me ferai la réflexion, que je n’avais pas beaucoup de visibilité sur ce qui se trouvait derrière, et que je serais bien embarrassé de tomber nez à nez avec l’ours, si par mégarde il en faisait de même sur l’autre versant. Enfin, n’écoutant que mon instinct grégaire d’aventurier trappeur, je me retrouve au sommet et, à mon plus grand regret, je ne vois ni l’ours, ni aucune autre bestiole d’ailleurs. La vue panoramique sur la toundra, le fjord et le glacier, est néanmoins splendide.



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