FESTIVAL DE LA GACILLY
MARAIS
NADIA FERROUKHI > AU NOM DE LA MÈRE
Droit à l'éducation, salaire, autonomie, représentation politique, droit à la contraception : ce sont quelques-uns des droits que les femmes ont arrachés depuis le XVIIe siècle, après d'âpres luttes au cœur des différentes sociétés patriarcales qui dominent le monde.
Mais il existe aussi des sociétés, peu nombreuses, qui fonctionnent autrement. Des sociétés où certains pouvoirs clés, tels que la gestion des richesses, l'organisation des cérémonies et les arbitrages importants qui concernent la famille ou le village... sont aux mains des femmes. Des sociétés qui maintiennent leurs spécificités malgré leur environnement patriarcal sans pour autant représenter un régime inverse, c'est-à-dire la domination des femmes sur les hommes.
Ce qui fait la particularité de ces communautés, c'est que les femmes forment l'ossature de la société et que leur rôle central, féminin, est respecté en tant que tel. Sans doute en va-t-il ainsi parce qu'elles savent par-dessus tout que leur société repose sur le juste équilibre, sur une vision cyclique de la vie comme de la nature dont elles font partie au même titre que les hommes. Car il existe une constante dans tous les groupes que la photographe Nadia Ferroukhi a rencontrés, depuis 2007, au cours de ces longues années de travail, que ce soit au Kenya, en Inde, en Algérie, en Chine ou au Mexique : par l'exercice de leur pouvoir, les femmes prennent grand soin de garder ce juste équilibre en intégrant les hommes sans jamais les dominer.
La chose devrait faire réfléchir ceux qui jurent que le système patriarcal ou qu'un pouvoir hégémonique d'un sexe sur l'autre est la seule et unique façon de vivre ensemble.
Sélection
Au nom de la mère Les Samburu et Turkana # Mont Kenya, Kenya - 2008
Au nom de la mère Les Samburu et Turkana # Mont Kenya, Kenya - 2008
Au nom de la mère Les Touaregs # Sahara, Tassili n’Ajjer, Algérie - 2019
Au nom de la mère Les Samburu et Turkana # Mont Kenya, Kenya - 2008
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YASUYOSHI CHIBA > UN œil OUVERT SUR LE MONDE
Dans cette époque bruyante, où les informations sont diffusées en temps réel depuis les quatre coins de la planète par des milliards d’êtres humains transformés en émetteurs grâce aux smartphones et à Internet, les photojournalistes de l’Agence France-Presse, fidèle partenaire de notre Festival, sont comme des phares dans la tempête. Sans eux, nous serions comme dans l’une des photos de cette exposition – celle sur l’invasion des criquets pèlerins en Afrique de l’Est – aveuglés et assaillis par des milliers d’informations surgissant de partout.
Le photographe japonais Yasuyoshi Chiba, chef des photographes pour l’Afrique de l’Est et l’océan Indien pour l’AFP, est l’archétype de ce regard exigeant, empli d’humanité, sur notre monde en mouvement. Après avoir débuté sa carrière au Asahi Shimbun, l’un des deux plus grands quotidiens du Japon, il s’installe au Kenya en 2007 pour travailler sur les violences post-électorales dans le pays, et se fait rapidement remarquer par sa rigueur journalistique et son talent de cadreur qui lui valent une récompense au Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre.
Basé à Nairobi, il saisit avec brio pour son agence tous les bouleversements d’un continent africain qui essuie, année après année, de douloureuses épreuves, celles d’une sécheresse endémique, de la violence inter-ethnique, de l’exode rural ou d’une nature en danger. Chacun de ses clichés, un troupeau d’éléphants à la recherche d’un point d’eau, une vieille femme en détresse, est composé comme une histoire à part entière, comme une ode à la fragilité de notre époque. N’hésitant pas à parcourir le monde, du Brésil à l’Ukraine en guerre, il témoigne des tumultes de l’actualité et fait surgir du chaos du monde des instants figés et limpides. À l’image de cette photographie récompensée par le prix du World Press Photo 2020 : un jeune étudiant, le visage éclairé par des flashs de téléphones portables, récitant un poème au milieu de la foule lors d’une manifestation à Khartoum, au Soudan.
Sélection
Un œil ouvert sur le monde L’embrasement et le chaos Les violences postélectorales étaient parmi les pires que le pays a connues depuis son indépendance, en 1963, et ont fait plus de 1 500 morts et 300 000 déplacés. # Kenya – Janvier 2008
Un œil ouvert sur le monde Champ de bataille Armés d’arcs, ces guerriers Massaï affrontent des membres de la tribu Kalenjin pour un différend sur l’attribution des terrains après des élections truquées. # Kenya – Mars 2008
Un œil ouvert sur le monde Chemin de croix Un soldat ukrainien va placer une croix sur la tombe de l’un de ses amis, membre du bataillon Azov tué au combat par les forces russes, près de Bakhmout. # Sloviansk, Ukraine – Janvier 2023
Un œil ouvert sur le monde L’embrasement et le chaos Les violences postélectorales étaient parmi les pires que le pays a connues depuis son indépendance, en 1963, et ont fait plus de 1 500 morts et 300 000 déplacés. # Kenya – Janvier 2008
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BRENT STIRTON > PANTANAL : UN ÉDEN EN DANGER
La réserve naturelle du Pantanal est, sur 200 000 km² de terres gorgées d’eau, la plus grande zone humide de la planète. Elle est si vaste que lorsque des explorateurs la découvrent au XVIIe siècle, ils pensent trouver une mer intérieure en plein cœur du Brésil. Sa superficie tutoie celle d’un petit pays et ses frontières débordent sur le Paraguay et la Bolivie voisins. Rythmé par des saisons humides et des saisons sèches très marquées, le Pantanal se transforme tout au long de l’année : un entrelacs de rivières sinueuses bordées par une végétation luxuriante peut devenir quelques mois plus tard un dédale de petits vallons arides jalonnés par de rares points d’eau attirant la faune locale d’une diversité exceptionnelle.
Mais ce véritable éden terrestre est menacé. Le bouleversement climatique que connaît notre planète a eu sur cette zone des effets beaucoup plus immédiats et spectaculaires qu’ailleurs. En 2020, une saison sèche particulièrement sévère a entraîné une vague d’incendies dévastateurs ravageant presque 30 % du Pantanal. Le bilan fut vertigineux : 17 millions d’animaux périrent dans les flammes. Principales victimes de ces feux dramatiques, les derniers jaguars de la planète dont on estimait la population à environ 400 spécimens avant ces feux. Plus insidieusement et plus lentement, ce sont aussi les exploitations minières qui fragilisent les cours d’eau affluents de la région. Il y a enfin les problèmes liés à la cohabitation entre les humains et la faune sauvage.
C’est pour témoigner sur la fragilité de ce sanctuaire naturel que le photojournaliste Brent Stirton, s’est rendu plusieurs semaines au Brésil, au cœur du Pantanal. Récompensé de nombreuses fois pour ses enquêtes au long cours sur les exploitations du monde naturel et de ses ressources, ce collaborateur régulier du National Geographic et du Figaro Magazine nous rapporte ce récit photographique plein d’espoir sur cet îlot de vie que nous devons mieux connaître pour mieux le préserver.
Sélection
Pantanal, un Éden en danger Emblème du Pantanal, le jaguar est le seul membre de la famille des panthères à vivre sur le continent américain. # Pantanal, Brésil - 2020
Pantanal, un Éden en danger Le Pantanal est la plus grande zone marécageuse au monde. # Pantanal, Brésil - 2020
Pantanal, un Éden en danger L’Ara Hyacinthe est l’un des perroquets les plus rares au monde avec moins de 5 000 spécimens à l’état sauvage. Il est aussi le plus grand membre de sa famille. # Pantanal, Brésil - 2020
Pantanal, un Éden en danger Emblème du Pantanal, le jaguar est le seul membre de la famille des panthères à vivre sur le continent américain. # Pantanal, Brésil - 2020
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EVGENIA ARBUGAEVA > HYPERBOREA
Hyperborea, c’est un voyage au bout de la nuit. Une nuit sans fin, celle de l’Arctique russe qui peut durer plusieurs semaines sans jamais voir un rayon de soleil. C’est une nuit blanche aussi ; avec ses effets de lumières étranges qui embrasent le ciel. D’où ce titre, tiré de la mythologie grecque : Borée (le vent du nord) et hyperboréens (ceux qui vivent au-delà des souffles du froid de Borée).
Avec le travail d’Evgenia Arbugaeva, photographe russe ayant grandi en Sibérie dans la ville portuaire isolée de Tiksi sur les côtes de la mer de Laptev, c’est à la rencontre de ces « hyperboréens » que nous partons.
Il y a d’abord Slava, un homme dévoué vivant dans la solitude d'un poste météorologique isolé dans le Grand Nord. Nous découvrons aussi les gardiens d’un phare sur la péninsule de Kanine, qui vivent avec leurs chiens. À Dikson, une ville fantomatique plongée dans l’obscurité et abandonnée à la suite de l’effondrement du bloc soviétique, ce sont des aurores boréales surréelles dignes des auspices de quelques dieux nordiques aux noms oubliés, qu’Evgenia Arbugaeva capture à travers son objectif. Puis, aux confins de la région de Tchoukotka, la photographe a pu rencontrer la communauté Tchouktche qui continue de maintenir les traditions de ses ancêtres en vivant de la terre et de la mer, avec de la viande de morse et de baleine comme principales sources d’alimentation.
Ce travail, au carrefour du documentaire et d’un réalisme magique, nous montre la fragilité et la résilience de la terre arctique et de ses habitants. En utilisant une grammaire visuelle empruntée au photojournalisme, mais qui renvoie en permanence à la fable et au mythe, Evgenia Arbugaeva révèle les liens ineffables entre ciel et terre, lumière et obscurité, nature et culture.
Sélection
Hyperborea Tchoukotka # Enurmino, Russie – 2019-2020
Hyperborea Tchoukotka # Enurmino, Russie – 2019-2020
Hyperborea Weather Man [Le météorologue] # Station météorogique d’Hodovarikha, péninsule de Russkiy Zavorot, Russie - 2014
Hyperborea Tchoukotka # Enurmino, Russie – 2019-2020
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JOANA CHOUMALI > RÊVERIES
Certains artistes aiment explorer les frontières de leur art. En expérimentant de nouveaux procédés, ou bien en s’imposant des contraintes techniques. En ce sens, les deux séries de Joana Choumali, présentées cette année, sont de véritables expériences, qui mettent en lumière une culture et une géographie, et offrent un résultat inédit, émouvant, un voyage au cœur de l’enfance, à mi-chemin entre Le Petit Prince et un conte onirique.
Dans la première, Ça va aller, l’artiste ivoirienne dont le travail a été consacré par plusieurs expositions (notamment à Paris Photo mais également au musée du Quai Branly - Jacques Chirac) a voulu n’utiliser, qu’un smartphone, pour documenter l’atmosphère maussade et mélancolique qui a envahi sa ville natale, après l’attaque terroriste dans la station balnéaire de Bassam, en 2016. Pourquoi ? La raison est surtout pratique : pour pouvoir photographier les gens endeuillés plus discrètement, avec plus de pudeur et de manière moins invasive qu’avec un appareil photo classique. Dans un pays où les troubles psychologiques et les traumatismes psychiques ne sont que très peu reconnus et encore moins adressés, les conversations difficiles sont rapidement écourtées par un « ça va aller ». Il en ressort des impressions aux couleurs pastels qui sont autant d’images d’espérance. Une manière de conjurer la violence du monde.
Dans la seconde série, Alba’hian (« première lueur du jour » en langue agni), Joana Choumali a transformé sa préparation physique matinale pour un trekking, en des sessions de création artistique. Tous les jours, alors qu’elle se lève pour aller marcher, elle prend des photos de son environnement qui se réveille peu à peu entre 5 et 7 heures du matin. Des images sur lesquelles elle superpose un alliage de collage, de broderie, de matelassage et de photomontage ; des fresques composées dans le langage brouillé de ces rêves qui nous habitent encore quelques heures après notre réveil.
Des créations empreintes d’émerveillements, de désirs, de joies et de peines, au carrefour du réel et de l’imaginaire.
Sélection
Rêveries Ça va aller # Côte d’Ivoire - 2018
Rêveries Ça va aller # Côte d’Ivoire - 2018
Rêveries Albahian Maria del Pilar # Côte d’Ivoire - 2019-2020
Rêveries Ça va aller # Côte d’Ivoire - 2018
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BETH MOON > L'IMMORTALITÉ DES ARBRES
Pour qu’un arbre puisse capter l’intérêt de Beth Moon, il faut qu’il remplisse l’un de ces trois critères : une taille démesurée, son vieil âge ou bien une histoire remarquable. Pour trouver les candidats dignes de passer devant son objectif, cette photographe américaine, célébrée par la critique et exposée plus de 70 fois à travers le monde, dévore tous les livres d’histoire, tous les ouvrages de botanique et tous les articles de journaux qu’elle peut trouver. Sans oublier d’interroger tous les voyageurs qu’elle rencontre, pour dénicher la perle rare et oubliée.
Un projet qui au fil des années l’a amenée à sillonner la planète pour aller à la rencontre de ces géants de bois qui la fascinent tant : États-Unis, Europe, Asie, Moyen-Orient, Afrique… Mais Beth Moon ne s’intéresse pas aux célébrités sylvestres. La plupart des arbres dont elle tire le portrait sont loin de tout, et ne sont signalés par aucun panneau, aucune indication. Ils ont survécu justement à cause de leur isolement, ou grâce à la présence d’une aire protégée ou d’un parc naturel. Certains sont des spécimens uniques et remarquables.
C’est le cas du Dragonnier de Socotra, endémique d’une petite île d’un archipel du Yémen, aussi appelé « arbre au sang » du dragon en raison de la couleur de sa résine utilisée dans certaines médecines traditionnelles. Ou encore les pins de Bristlecone, en Californie, dont certains ont poussé il y a plus de 4 000 ans.
Devant ces silhouettes qu’on imagine déjà présentes lors des premiers matins du monde, la photographe révèle leur quasi-immortalité. Et à travers cela nous fait prendre conscience du lien primordial qui existe entre notre planète et ces arbres millénaires.
Sélection
L’immortalité des arbres The Giant Kapok Tree [Le kapokier] # Palm Beach, Floride, États-Unis - 2004
L’immortalité des arbres The Sentinels of St. Edwards [Les sentinelles de Saint-Edwards] # Stow-on-the-Wold, Angleterre, Royaume-Uni - 2005
L’immortalité des arbres The Samba Dia Baobab [Le baobab de Samba Dia] # Samba Dia, Madagascar - 2021
L’immortalité des arbres The Giant Kapok Tree [Le kapokier] # Palm Beach, Floride, États-Unis - 2004
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LORRAINE TURCI > UNE VIE DE CHALUT
D’un côté, il y a la mer filant vers l’horizon infini, l’air pur emplissant les poumons et cette extraordinaire sensation d’immortalité et d’extrême vulnérabilité lorsque des vagues gonflées d’écume soulèvent l’embarcation comme une feuille morte. De l’autre, il y a le manque de sommeil, la perte de repère, une cadence de travail infernale, un quotidien dans un environnement hostile et imprévisible… Sans oublier le mal de mer qui frappe même les plus jeunes pour qui le fait d’être accablé par cet épuisant déséquilibre de l’oreille interne par rapport au champ de vision est une épreuve de plus.
Un revers de médaille qui fait que, depuis des années, l’activité de marin-pêcheur caracole en tête des métiers les plus dangereux. Et que ce métier magique, et synonyme d’aventure pour beaucoup, a de plus en plus de mal à éveiller des vocations chez les jeunes générations.
Pour témoigner de cette vie de chalut, Lorraine Turci a embarqué sur deux navires : le Dolmen, un chalutier flambant neuf, et le Men Gwen, vieux de 35 ans, tous les deux mouillant à Keroman, port de pêche de Lorient. Jeune photographe française choisie pour honorer cette nouvelle commande du département du Morbihan, lauréate également de l’une des bourses décernées par la Bibliothèque nationale de France, Lorraine Turci démontre un grand sens de la composition et un souci du détail inhérent à l’exercice de la photographie documentaire.
En accompagnant au plus près ces marins, jusqu’à presque faire partie de l’équipage, elle a réalisé des images si proches de son sujet qu’on jurerait sentir l’odeur des embruns, du gazole, de la rouille, du poisson et des fumées de cigarette. Ce travail est celui de survivances. D’un savoir-faire, d’un patrimoine même. C’est le récit simple mais grandiose de ceux qui vivent en mer.
Sélection
Une vie de chalut # Au large de Lorient, France – novembre-décembre 2022
Une vie de chalut # Au large de Lorient, France – novembre-décembre 2022
Une vie de chalut # Au large de Lorient, France – novembre-décembre 2022
Une vie de chalut # Au large de Lorient, France – novembre-décembre 2022
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