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FESTIVAL DU REGARD 
ESPACE 3 

 

THIERRY COHEN > VILLES ÉTEINTES

 

De 2010 à 2012, Thierry Cohen a travaillé sur une série de photographies destinée à sensibiliser l’opinion publique sur le phénomène de pollution lumineuse, « Villes éteintes ». Pour ce faire, il a imaginé les plus grandes mégalopoles – Paris, Tokyo ou encore New-York, notamment – sans la pollution lumineuse qui les caractérise. Pour montrer ces « villes éteintes », le photographe a voyagé dans différents déserts d’Asie, d’Amérique du Sud et d’Afrique pour photographier les ciels qui correspondent aux latitudes de ces villes, et restituer dans ses photos l’aspect naturel qu’auraient ces villes si elles étaient exemptes de toute lumière artificielle. L’approche du photographe est ici très graphique, avec une inversion des codes classiques des paysages urbains nocturnes : les villes, souvent inondées de lumières artificielles, sont ici travaillées comme des blocs sombres, tandis que le ciel étoilé, tel qu’il apparaît dans la nuit sans pollution lumineuse, reprend son rôle de source lumineuse. Cette opération est rendue possible par le fait que « la voûte étoilée qui surplombe un site donné est superposée au paysage urbain d’un tout autre lieu », conférant à ces photographies une dimension proche des films de science-fiction. Le photographe réussit ainsi à nous faire voir ce que l’on sacrifie en faveur d’une urbanité sans limites. Les « Villes éteintes », Darkened Cities, ont été exposées à travers le monde dans de nombreux musées, festivals et galeries. La série a fait l’objet d’un ouvrage aux Éditions Marval en 2012.

 

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CELINE CROZE > SIEMPRE QUE…

 

Ce qui frappe d’emblée dans le travail de Celine Croze, c’est sa couleur. Sa couleur et la proximité avec ses sujets. Voilà quelqu’un qui ne fait pas semblant. La photographe nous immerge directement dans l’action, dans un corps à corps avec une histoire violente qui ne laisse pas indifférent. Lors d’un tournage au Venezuela en 2015, elle fait la connaissance de Yair alors qu’elle déambule dans la nuit de Caracas. Le visage de Yair a sur la photographe une force hypnotique, saisissante. Qui est cet homme ? Pourquoi s’intéresse-t-elle à lui ? Que veut-elle nous dire ? On a envie d’en savoir plus, c’est la force de l’écriture photographique de Céline Croze, très directe et à la fois chargée de mystère par l’emploi de couleurs sourdes, le choix de lumières crépusculaires. Elle explique dans sa biographie qu’elle travaille également dans le cinéma. Pas étonnant, ici c’est un film noir dont voici le synopsis par son auteure : « Siempre que estemos vivos nos veremos » est aussi la dernière phrase que m’a dite Yair. Il faisait nuit et nous étions sur l’azotea (toit) du bloc 11, la brume enveloppait Caracas, la rumeur folle de la ville ressemblait à un chant funèbre. C’était une balle dans mon cœur. La conscience de sa propre fin avait quelque chose de terrible et sublime à la fois. Tout était dit. L’urgence de la vie, la fascination pour la mort, l’effondrement du pays. L’extrême violence et l’absurdité de la situation donnait l’impression que la vie n’était qu’un jeu. Je me rappelais deux jours plus tôt la gallina (arène pour combats de coqs). L’odeur du sang mélangée au rhum et la sueur, les cris de rage, l’excitation de chaque homme. Une transe impalpable enivrait l’arène. Comme si nous étions tous fous. Comme si le sang, la mort et le pouvoir rendaient plus vivants. L’énergie chaotique de la ville résonnait dans chaque combat telle une danse qui se déploie, qui reste et pleure impuissante. Un mois plus tard, Yair fut abattu. Il avait 27 ans. Mes errances en Amérique Latine furent traversées par d’autres rencontres saisissantes. Comme ces coqs de combats, je voyais des êtres danser et s’accrocher au désordre. J’y retrouvais à chaque fois cette même sensualité insolente, comme une furieuse provocation, comme un cri d’adolescent amusé par le danger, condamné et libre.

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NADEZHDA ERMAKOVA > LE JARDIN

 

Un roman très connu de Léon Tolstoï « Anna Karenine » commence par la phrase : « Tous les bonheurs se ressemblent, mais chaque infortune a sa physionomie particulière ». Le bonheur est universel, c’est une constante fixe. Le malheur scintille, il est mouvant et a ses nuances. Il y avait beaucoup d’amour et de chaleur dans notre famille, mais nos relations n’étaient pas simples. De l’extérieur, on aurait dit que notre famille était idéale, un exemple à suivre, mais à l’intérieur on était sous le régime autoritaire de mon père, la même variable qui empêchait de nous figer dans le bonheur universel. J’ai commencé cette série il y a un alors lorsque l’on s’entendait encore bien. J’écrivais ma propre histoire de nos relations avec un langage photographique où j’enjolivais la réalité. À quoi bon ? Fausser ? Non. Embellir ? Oui. C’était come l’un des jeux que nos parents inventaient pour nous quand nous étions enfants. Maintenant, nous avons inversé les rôles. Quand j’ai rendu visite à mes parents cet été, j’ai réalisé que la première partie du jeu était terminée et que je devais en recommencer une autre. Les tentatives de déconstruire la réalité et d’écrire un scénario pour un nouveau jeu étaient douloureuses, pleines de désespoir. L’un des personnages principaux a quitté la scène, mon père, il ne voulait plus communiquer avec moi. Des personnages secondaires sont rentrés dans le cadre. J’ai photographié la nuit, seul moment où le calme s’installe, les protagonistes sont libérés de leurs obligations quotidiennes et le jeu peut commencer. Comment se déroulera la prochaine partie ?

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FRANÇOISE EVENOU > LAS REINAS DEL BOSQUE

 

Angelica, Estrella, Jessica, Maria, Melissa, Tily, Vanessa, ces femmes ont quitté leur pays d’origine, l’Equateur, le Pérou, l’Argentine, pour une vie meilleure, pour vivre librement au pays des Droits de l’Homme. Cinq, dix, vingt ans plus tard, on les retrouve dans leur Nouveau Monde… le bois de Boulogne. Elles sont transgenres, migrantes et se prostituent la nuit pour survivre. Elles se tiennent discrètes, silencieuses, trônant à l’avant de leur camionnette garée dans les allées du bois, ou debout sur les trottoirs. Parées comme des reines de beauté, maquillées comme pour entrer en scène, poitrines vertigineuses enserrées dans un haut étroit. Certaines travaillent la nuit, parfois le jour, uniquement le week-end, ou encore 7 jours sur 7. Quand tout va bien. Parce qu’il y a les maladies, les agressions, la fatigue, l’usure, les amendes. Et la Covid a empiré les choses. La concurrence est de plus en plus rude. Les clients sont plus rares. Il faut parfois attendre des heures dans le froid avant d’en apercevoir un, baisser les tarifs « On n’a pas le choix : il faut bien manger ». Pendant 18 mois, entre 2020 et 2021, plusieurs fois par semaine, de nuit comme de jour, Françoise Evenou est allée à leur rencontre. Pouvoir les approcher dans leur langue maternelle lui a permis de tisser avec elles un lien de confiance : « Je les ai photographiées et enregistrées. À chaque fois, j’ai été profondément touchée par leurs histoires de vie, leur force de caractère et leur dignité. C’est en écoutant leurs récits, en les transcrivant patiemment et en les traduisant le plus fidèlement possible, c’est en regardant encore et encore leurs portraits que le titre de la série m’est venu : Las Reinas del Bosque. J’ai donc cherché une couronne, celle qui t’irait le mieux, Melissa. Et puis je suis revenue. Quand je te l’ai montrée, j’ai vu tes yeux briller, ton sourire étincelant. Je savais. » Tu as dit : « Reviens plus tard, je veux me préparer comme une reine. À travers cette série de photographies, d’enregistrements et textes, j’ai voulu donner une autre image de ces femmes, confrontées à la nuit des hommes, qui luttent pour survivre et assumer leur identité avec dignité : Las Reinas del Bosque. »

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RONAN GUILLOU > CARMEN STREET – CARTE BLANCHE

 

Soutien fidèle de notre manifestation depuis 2018, La Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise a décidé cette année de donner carte blanche à un photographe exposé au Festival du Regard en 2020, Ronan Guillou. Avec pour consigne : liberté totale pour saisir et interpréter à sa guise les coulisses et les répétitions du grand spectacle Carmen Street qui se produit début juillet à Cergy-Pontoise dans l’enceinte impressionnante de l’Aren’Ice. Après le succès de West Side Story en 2019, Cergy-Pontoise accueille en 2022, l’opéra le plus populaire au monde, Carmen. Portée cette fois encore par le trio Jean-Philippe Delavault à la mise en scène, Laurence Pérez à la danse et Benoît Girault à la musique, l’œuvre de Bizet est ici traitée dans une version comédie musicale dotée d’une mise en scène originale et moderne, tout en résonance avec notre époque. Plus de 300 artistes sur scène à l’Aren’Ice. Chanteurs, danseurs, musiciens et choristes réunis dans une aventure artistique exceptionnelle, mêlant professionnels, apprentis et amateurs, majoritairement de Cergy-Pontoise. Un spectacle produit par la Communauté d’agglomération, porté par le Conservatoire à rayonnement régional (CRR) et le réseau des écoles de musique, de danse et de théâtre de Cergy-Pontoise, en collaboration avec l’AID (Académie Internationalende Danse) de Paris et le CFD (Centre de Formation de Danse) de Cergy.

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TODD HIDO > HOUSE HUNTING

 

House Hunting illustre parfaitement l’errance artistique et physique de Todd Hido qui a sillonné l’Amérique en voiture pour en saisir le mystère. Le sujet est clair, titré sans fioritures : chasse immobilière. Pourtant le traitement de l’image, si reconnaissable, conduit le spectateur vers une symbolique plus romantique, teintée d’une nostalgie certaine. Son filtre artistique est brumeux comme l’esprit. Pour rendre plus fécond notre imaginaire et stimuler nos projections, la présence humaine est uniquement implicite. Aucune silhouette en ombre chinoise. Cette absence renforce la charge mystérieuse de l’œuvre et on devine à la seule lueur qui s’en échappe que ces maisons sont habitées. « Si vous voulez prendre une photo, vous ne frappez pas à la porte de quelqu’un pour lui demander la permission », dit Todd Hido. Peu importe la ville dans laquelle nous nous trouvons, le photographe emprunte les rues anonymes, choisissant des vues qui pourraient être « n’importe où » en Amérique et, surtout, « à n’importe quel moment ». Comme toujours dans son processus, Hido est à la recherche de quelque chose – « insatiable » dans cette recherche, dit-il, « même si je ne peux pas nommer exactement ce que je cherche ». Publié en 2001, le livre House Hunting est, d’une part, le portrait d’une certaine Amérique ; un endroit économiquement défavorisé, des maisons sombres et vides avec le linge sale à peine rangé, ou des maisons avec les lumières allumées mais ne dégageant aucune chaleur. Simultanément, il s’agit d’un portrait de l’Amérique – et plus précisément de l’Amérique suburbaine – de n’importe quelle décennie contemporaine d’après-guerre : un regard brut sur la peinture blanche qui s’écaille sur les palissades. L’œuvre de Hido a des échos de l’adolescence des années 70 qu’il a passée dans sa ville natale de Kent, dans l’Ohio, une ville marquée par la fusillade en 1970 de quatre étudiants par la Garde nationale de l’armée de l’Ohio lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam. Mais là encore, les images résonnent moins pour leur relation avec le photographe que pour leur capacité à se connecter et à s’identifier à n’importe quel spectateur. Ce sont des photographies réservées, débordantes d’émotion et d’histoire, mais peu enclines à dire un mot : « Je photographie des maisons la nuit parce que je m’interroge sur les familles qui y vivent. Je m’interroge sur la façon dont les gens vivent, et l’acte de prendre cette photo est une méditation ». House Hunting est donc plus une question qu’une réponse.

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