FESTIVAL DU REGARD
ANCIENNE POSTE GRAND CENTRE
RICHARD MOSSE > INFRA
C’est à un voyage particulier que nous invite Richard Mosse, un voyage au cœur de l’Afrique centrale, sur une terre de guerre et de traumatisme. Un périple aussi aux confins de la réalité et du cauchemar, dans un monde où toutes les rationalités, tous les repères ont été bouleversés. Derrière des couleurs que l’on peut trouver séduisantes se cache un point de vue engagé qui essaie aussi de mettre la photographie face à elle-même et face à son impuissance à documenter le réel. Richard Mosse est habitué aux zones de conflits, il a couvert la guerre en Irak, les troubles au Pakistan, les drames à Haïti... Pour Infra, il a choisi d’utiliser un appareil photo grand format et surtout une pellicule Kodak Aerochrome dont la production a été arrêtée en 2009. Ce film infrarouge était destiné aux relevés aériens de végétation et à la surveillance militaire, car il enregistre un spectre de lumière infrarouge invisible à l’œil humain, rendant le paysage rose fuchsia et les uniformes des soldats bleu lavande. Mosse sentait que c’était le meilleur moyen de parler d’un conflit aussi complexe qu’incompréhensible qui voit s’affronter au Congo des rebelles qui changent constamment de camp : « L’histoire de cette guerre n’est pas facile à raconter. De l’autre côté de la frontière, l’extraordinaire développement du Rwanda témoigne de la réussite de la coopération internationale après le terrible génocide. L’invisible, le caché, l’inconnu font partie intégrante de la guerre au Congo. Il était donc logique d’utiliser un film qui rende l’invisible visible et traduise la violence latente dans la région du Nord-Kivu. »
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Infra # République démocratique du Congo – 2010-2014

Infra # République démocratique du Congo – 2010-2014

Infra Lost Fun Zone [Zone d'amusement perdue] # République démocratique du Congo - 2012

Infra # République démocratique du Congo – 2010-2014
Commentaire ♥♥♥♥♥
GRACIELA ITURBIDE > SUITE INDIENNE
Graciela Iturbide est l’une des grandes figures de la photographie mexicaine et de la scène internationale. À ses débuts et jusqu’en 1978, elle est obsédée par la mort (sans doute à cause du décès de sa fille). En 1979, invitée à séjourner au Juchitan, une région du Mexique, elle plonge dans la réalité des communautés indiennes ; elle en tirera des photos devenues célèbres. Avec elle, le voyage n’est ni tourisme ni anthropologie : elle se comporte comme les autochtones à ceci près qu’elle est équipée d’un moyen format 6 x 6 argentique et d’un Leica. Dans les années 1990 et 2000, elle voyage beaucoup, aux États-Unis, en Italie, à Madagascar et en Inde où elle reviendra cinq fois afin d’y réaliser un livre. Dans ce pays sa photographie se transforme, devient géométrique, presque abstraite. Les êtres humains y sont de plus en plus absents, ou présents par des « fragments corporels » et quelques portraits. À Bénarès, ville des bûchers et des incinérations, elle se détourne de ses obsessions macabres antérieures pour n’en photographier que l’ombre portée, à travers la figure des oiseaux...
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Suite indienne Temple de Karni Mata # Deschnoke, Inde - 1998

Suite indienne # Bombay, Inde - 1999

Suite indienne # Bénarès, Inde - 2010

Suite indienne Temple de Karni Mata # Deschnoke, Inde - 1998
Commentaire ♥♥♥♥♥
FLORE > MAROC, UN TEMPS SUSPENDU
La photographe FLORE poursuit sa quête autobiographique qui l’avait déjà portée vers la péninsule indochinoise où vécurent ses grands-parents et qu’elle avait restituée dans son livre Lointains souvenirs, autour de l’enfance de Marguerite Duras. Dans Maroc, un temps suspendu, elle évoque une nouvelle fois les souvenirs d’une enfance vagabonde, les émerveillements liés à la découverte de ce pays d’Afrique du Nord lors d’un road trip, longue traversée en compagnie de sa mère et de sa sœur dans les années soixante-dix. La couleur douce- amère des images nous chuchote que le temps nous échappe, que les souvenirs s’estompent et que disparaissent ceux que nous aimons. Petite-fille spirituelle de Gabriel Veyre et d’Eugène Delacroix, dans un Maroc éternel, FLORE mêle encore une fois une esthétique post- classique – grâce à une technique qui emprunte au passé une patine pigmentaire – à une approche et des cadrages très actuels. Parfois, ne restent que des photographies pour nous rappeler la poésie des jours heureux, semble-t-elle nous susurrer... Elle définit son univers poétique et atemporel comme un acte politique qui est sa façon de se positionner face au « faisceau de ténèbres qui provient de son temps », dit-elle, citant le philosophe Giorgio Agamben. Ce travail a fait l’objet d’un livre publié en 2019 par les éditions Contrejour.
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Un temps suspendu # Maroc - 2019

Un temps suspendu # Maroc - 2019

Un temps suspendu # Maroc - 2019

Un temps suspendu # Maroc - 2019
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RICHARD PAK > LA FIRME
Cette série a été réalisée sur l’île de Tristan da Cunha, minuscule territoire situé au milieu de l’océan Atlantique. L’île se trouve à 2 790 kilomètres à l'ouest de la ville du Cap en Afrique du Sud et à 3 222 kilomètres à l'est-sud-est de l'État brésilien de Rio de Janeiro. Population 296 habitants (en 2014) sur une superficie de 98 kilomètres carrés. Comment Richard Pak a entrepris ce voyage vraiment extraordinaire ? : « La série La Firme est le premier chapitre d’une anthologie (Les îles du désir) consacrée à l’espace insulaire. L’étymologie du mot isoler nous renvoie à « séparer comme une île (isola) » et je ne pouvais trouver guère mieux que Tristan da Cunha pour entamer un cycle sur l’insularité. Le nom du navigateur portugais qui la découvrit au XVIème siècle est trompeur pour cette île résolument britannique. Le volcan est à huit jours de bateau du Cap en Afrique du Sud, seul moyen de s’y rendre. Ce qui fait de ce confetti de cent kilomètres carrés, triangle parfait posé au milieu de l’Atlantique sud, le territoire habité le plus isolé de la planète. Mais c’est moins l’exotisme de son éloignement que l’histoire singulière et les valeurs idéalistes fondatrices de la petite société qui s’y accroche qui m’ont invité à m’y rendre. En 1816 un contrat est signé entre les premiers habitants, qui s’y désignent «la firme », et la couronne britannique. Ses quelques articles annoncent notamment que « nul ne s’élèvera ici au-dessus de quiconque » ; « tous doivent être considérés égaux » et « tous les profits réalisés seront partagés équitablement ». De fait il n’y a alors pas de propriété privée, pas de chef, pas d’argent, tous s’entraident mutuellement. Aujourd’hui encore les terrains sont communaux. Il n’y a qu’à se servir à la seule condition d’y construire sa maison. L’entraide y a un sens, car personne ne peut exister sans l’autre. L’expérience utopique reste dans l’anonymat jusqu’en 1961, quand le volcan se réveille. Les 260 habitants sont tous évacués et propulsés en pleine Grande-Bretagne post-industrielle. Le gouvernement britannique pense alors autant les sauver d’un destin assurément funeste que les éclairer des bienfaits de la société de consommation. Et accessoirement se débarrasser de ce minuscule territoire à l’intérêt stratégique à peu près nul et sous perfusion financière permanente. Mais les Tristanais préfèrent tous repartir sur leur île deux ans plus tard.
Aller à Tristan da Cunha tient de la gageure ; certains attendent plus de deux ans. Il faut d’abord obtenir l’autorisation du conseil de l’île. Ensuite il faut trouver une place sur un des quelques bateaux de pêche qui la desservent. Quand l’archipel est enfin en vue, après huit jours de navigation jusqu’au seuil des quarantièmes rugissants, la météo doit être assez clémente pour décharger cargaison et passagers, ce qui n’est jamais garanti. J’y parvins et y séjournais près de trois mois fin 2016 ».
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La firme # Île Tristan da Cunha, Royaume-Uni - 2016

La firme # Île Tristan da Cunha, Royaume-Uni - 2016

La firme # Île Tristan da Cunha, Royaume-Uni - 2016

La firme # Île Tristan da Cunha, Royaume-Uni - 2016
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GREGOR BELTZIG > VOYAGE SUR LA ROUTE DE LA SOIE
« Un matin je me suis réveillé et je suis juste parti. Pas de chez moi. Non, j’étais déjà loin. Mais de mon hôtel. J’ai tout laissé. Ma grande valise. Mes affaires. Je n’ai pris que mon petit sac à dos, quelques vêtements et bien sûr, mon appareil photo plus un petit carnet. Je suis parti pour me laisser emporter par le hasard de la route. Je n’avais pas de but, pas de plan. J’ai franchi les portes qui se sont ouvertes et suivi les chemins que j’ai trouvés dans le Caucase. Pourquoi le Caucase ? Parce que cela représentait l’inconnu. J’ai voyagé par les montagnes de l’Arménie, à la frontière de l’Iran, vers l’Azerbaïdjan et au bord de la mer Caspienne. J’ai fait du stop et pris les bus locaux. J’ai passé des heures à des carrefours poussiéreux et abandonnés. J’ai pris le temps. Le temps de regarder. Le temps de rester. Prendre son temps est devenu très compliqué aujourd’hui. « Prendre son temps » veut aussi dire « prendre le temps de rater » : le prochain village typique, un site pittoresque, le sommet le plus haut du coin... Je n’ai pas vu tout ça. J’ai voyagé hors des sentiers touristiques. Ma prochaine étape n’était qu’un autre carrefour poussiéreux. Ou une petite taverne et ses habitués. Là, je commande un thé. Et je m’assois. Pour écrire et photographier. » C’est dans la lenteur que Gregor Beltzig aime voyager, à contre-courant de son époque, en digne héritier des photographes qu’il admire et qui lui ont donné le goût de l’ailleurs, Bernard Plossu et Max Pam.
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Voyage sur la route de la soie # Géorgie / Arménie - 2013

Voyage sur la route de la soie # Géorgie / Arménie - 2013

Voyage sur la route de la soie # Géorgie / Arménie - 2013

Voyage sur la route de la soie # Géorgie / Arménie - 2013
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GIORGIO NEGRO > PATHOS
Pathos représente 15 années de travail dans 5 pays d'Amérique Latine (Mexique, Cuba, Brésil, Pérou et Équateur). Les photographies au noir et blanc puissant et aux cadrages radicaux sont les fragments d'un parcours personnel intime. Elles représentent la vision de Giorgio Negro vis-à-vis des ambiguïtés et des contrastes du continent latino-américain. Cette vision est fortement influencée par son passé professionnel : actif pendant plus de 20 ans en tant que délégué du Comité International de la Croix-Rouge, il a travaillé dans de nombreux pays en situation de guerre ou de conflit armé, se confrontant quotidiennement à la violence, à la cruauté humaine et à ses conséquences. Les images ont été prises pendant son temps libre, ses vacances, et donc loin des zones où il a dû intervenir : « Sans aucune prétention journalistique ou même documentaire, je suis allé à la rencontre des gens et de l’environnement, toujours à la recherche du contact empathique avec les sujets de mes photos. J’ai juste photographié ce qui attirait mon attention. Aucune image n’a été mise en scène, il s’agit uniquement d’instantanés, même si parfois l’image arrive après une longue attente ou des heures de discussion. J’avais commencé à photographier en 2005, d’abord sans réfléchir, à l’instant, puis c’est devenu de plus en plus sérieux. Au bout de 15 ans, j’ai ressenti le besoin donner un sens à mon corpus d’images en publiant le livre Pathos qui a été à la fois un processus éditorial et émotionnel très important pour moi et une façon de regarder en arrière en assumant mon expérience de proximité avec le côté obscur de l’homme mais aussi avec ses lumières. »
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Pathos # Amérique du Sud

Pathos # Amérique du Sud

Pathos # Pérou - 2016

Pathos # Amérique du Sud
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CÉDRIC DELSAUX > DARK CORPORATION
Dark Lens, suite photographique de « non-lieux » urbains habités par les héros de la saga Star Wars, connaît depuis 2004 un succès mondial. Cédric Delsaux éprouve un vrai plaisir à tenir dans un même cadre le fantastique et le réel. Ainsi les paysages urbains de banlieue, avec leurs parkings à répétition et leurs zones de non-lieux, deviennent-ils, grâce aux personnages de Star Wars, les décors grandioses d’une histoire dont ils occupent enfin le centre. Le monde qui en découle, fourmillant de détails, est totalement vrai et pourtant absolument faux.
La fabrication de cette « mythologie de la banalité » donne une proximité et une réalité aux personnages cultes de toute une génération. Quant à Dark Corporation, il s’agit d’un univers à part entière. Si les vaisseaux et les personnages de Star Wars hantent toujours les lieux réels qu’il photographie – Paris, Dubaï, Marseille, Abu Dhabi... – Delsaux travaille cette fois avec une équipe complète (designer, graphistes 3D, retoucheurs) afin de repousser toujours plus loin la lisière entre vrai et faux ; au point que l’on en vient à se demander s’il existe encore la moindre frontière. Terminée donc la simple confrontation des débuts entre réel et science-fiction, désormais la Dark Corporation fait monde. Tout se passe comme si les personnages de la série s’étaient définitivement installés sur Terre, y apportant leur puissance immémoriale.
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Welcome in the Dark Corporation The Arrival [L’arrivée] # Abu Dhabi, Émirats-Unis - 2017

Dark Corporation AT-CW Base # Abu Dhabi, Émirats Arabes Unis - 2017

Dark Corporation The Black Wave [La vague noire] # France, Paris - 2019

Welcome in the Dark Corporation The Arrival [L’arrivée] # Abu Dhabi, Émirats-Unis - 2017
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RÉMI NOËL > SUR LA ROUTE
Rémi Noël n’a pas commencé la photographie à six ans avec le Rolleiflex de son grand-père. C’est seulement à trente ans qu’il se laisse aller à son désir d’images et réalise quelques natures mortes chez lui à Paris. Formé à la publicité et à son langage, il aime la concision : en littérature, il a tendance à préférer les nouvelles et en cinéma les courts-métrages. Photographe, il s’attache à raconter de brèves histoires, saisies d’un coup d’œil. Rapidement, il quitte ses intérieurs parisiens et s’embarque dans des expéditions annuelles, d’une dizaine de jours, vers l’ouest des États-Unis. Il y revisite les archétypes du mythe américain : les motels, leurs enseignes lumineuses, les étendues désertiques et les highways qui les pourfendent. Souvent il intègre une image dans l’image ; elle peut être empruntée à l’histoire de l’art la plus éminente (tels les tableaux d’Edward Hopper) ou à la culture de série Z. Toutes ces références visuelles sont remixées dans la photographie de Rémi Noël et donnent des images pleines de clins d’œil : « Dans mon travail, j’essaie toujours de raconter une histoire et de rester simple. D’où le choix du noir et blanc, qui permet de se concentrer sur l’idée, d’aller à l’essentiel. Placer un objet dans le cadre me sert de prétexte à poser mon trépied dans un beau paysage que j’aurais du mal à photographier juste pour lui-même. Avant de partir vers les États-Unis, j’ai en tête des images dont je fais un croquis et, une fois là-bas, je cherche le décor idéal pour mes mises en scène. J’ai aussi de vieilles habitudes : je travaille toujours avec du film, en utilisant le même appareil, le même objectif 50 mm et la lumière naturelle. Enfant, j’ai été impressionné par les dessins de Sempé, par leur mélange d’intelligence et de poésie, ainsi que par la simplicité apparente du trait. Quelques influences photographiques évidentes : André Kertész, Robert Frank, Bernard Plossu, Lee Friedlander... impossible de tous les citer. Sans vouloir me comparer à ces génies, c’est un peu cet esprit que j’essaie de mettre dans mes images. »
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Sur la route Beyond the sea [Au-delà de la mer] # Galveston, Texas, États-Unis

Sur la route Garry said... [Garry a dit…] # États-Unis

Sur la route Wide open spaces [Grands espaces] # Marfa, Texas, États -Unis

Sur la route Beyond the sea [Au-delà de la mer] # Galveston, Texas, États-Unis
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PHILIPPE SÉCLIER > LA LONGUE ROUTE DU SABLE
En 1959, au volant de sa Fiat Millecento, Pier Paolo Pasolini se lance sur les côtes italiennes pour un tour complet des plages, de Vintimille à Trieste. Il est alors envoyé spécial pour un magazine à grand tirage, Successo. Le texte sera ensuite publié dans les années 90, d’abord en Italie puis en France, chez Aléa. Il s’intitule La longue route de sable. En 2001, Philippe Séclier part sur les traces de l’écrivain suivant les étapes de ce voyage singulier. 45 ans après sa mort (Pasolini a été assassiné dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, son corps est retrouvé sur un terrain vague le long de la plage d’Ostie, près de Rome), le Festival du Regard a voulu rendre hommage à ce grand poète en présentant le travail vibrant et sensible du photographe : « Je m’aperçois aujourd’hui que chacun de mes séjours en Italie, j’ai d’une manière ou d’une autre croisé Pasolini, jusqu’à ce que La longue route de sable m’entraîne sur ses traces. J’ai alors voulu mettre mes pas dans les siens, voir ce qu’il avait vu, entendu et senti, me lancer à mon tour sur cette route en sa compagnie, pour la suivre telle qu’il l’avait décrite. » Itinéraire en noir et blanc argentique, dans les lieux traversés par Pasolini : le quartier des Espagnols à Naples, l’Albergo Savoia sur l’île d’Ischia, la Calabre, les Pouilles, Trieste où un orage violent pareil à celui décrit par Pasolini, surprend le photographe...
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La longue route du sable Fiat Millencento # Italie - 2001

La longue route du sable Hotel Regina Isabella # Lacco Amena, Ischia, Italie - 2001

La longue route du sable # Senigallia, Italie - 2001

La longue route du sable Fiat Millencento # Italie - 2001
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BOGDAN KONOPKA > L’EMPIRE DU GRIS
Bodgan Konopka (1953-2019) avait accompli cinq voyages en Chine entre 2003 et 2007, période pendant laquelle l’empire du Milieu a appuyé sur l’accélérateur de sa transformation. Comme l’écrit Pierre Haski dans la préface du livre Chine, l’empire du gris, « dans dix ans, dans vingt ans, parions que les Chinois des générations à venir lui sauront gré d’avoir su capturer, à sa manière, le moment où la Chine a basculé pour le meilleur ou pour le pire ». Plus de dix ans ont passé et il y a fort à parier qu’il ne reste plus grand-chose de ce que le photographe a immortalisé. Fort d’une solide maîtrise technique, Bogdan Konopka affirmait dans ses images un univers plastique et formel à contre-courant des modes : ses photographies noir et blanc, réalisées à la chambre grand format et tirées par contact, sont relativement petites (elles sont l’empreinte exacte du négatif 18 x 24 ou 20 x 25 cm) et présentent une ample gamme de gris. Sans jugement de valeur, sans condamnation ou dénonciation, Bogdan Konopka prenait en compte le temps qui passe. Choisissant minutieusement ses lieux de prises de vue, il photographiait la face cachée d’un environnement urbain tout à la fois divers et unique. Ainsi dépouillées de toute figure humaine, ses miniatures photographiques témoignent du regard attentif qu’il portait sur le monde.
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L’empire du gris # Beijing, Chine - 2003

L’empire du gris # Chine - 2004

L’empire du gris # Shanxi, Chine - 2005

L’empire du gris # Beijing, Chine - 2003
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BERNARD PLOSSU > LE VOYAGE MEXICAIN
En 1965, Bernard Plossu, jeune étudiant de 20 ans, part rejoindre ses grands-parents, émigrés d'Indochine, au Mexique. Dans les bars de Mexico, il fréquente les routards américains jusqu'au mois d'octobre, où il décide à son tour de partir sur les routes. Son « voyage mexicain » dure 14 mois : Bernard Plossu revient avec pas moins de 220 photographies et de nombreuses bobines en Super 8. Il immortalise l'errance, le voyage, les scènes de rue, les lieux déserts, mais surtout les rencontres avec l'autre. Il donne à voir une liberté de ton et une poésie nouvelle, à travers une vision intime, que l'on retrouvera tout au long de sa carrière. Les premiers clichés sont publiés en juillet 1974 dans la revue Camera. Les photos sont ensuite regroupées dans un ouvrage aux éditions Contrejour, en 1979. Initié par Claude Nori, le projet porte en lui les germes d'une nouvelle philosophie : la photographie errante, qui se cherche, en transit. Cette philosophie se traduit sur le plan éditorial, avec l’adoption du format poche. L'ouvrage sera réédité en 1990, avant de devenir un objet culte pour les collectionneurs. Le livre Le voyage mexicain constitue « le manifeste photographique emblématique pour toute une génération ». Il aura une grande influence auprès de nombreux photographes et fera école.
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Le voyage mexicain Sur la route d’Acapulco # Mexique - 1965

Le voyage mexicain # Mexique - 1965

Le voyage mexicain # Mexique - 1965

Le voyage mexicain Sur la route d’Acapulco # Mexique - 1965
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ERIC DESSERT > LE FLEUVE JAUNE
Éric Dessert travaille à la chambre grand format, discipline qui oblige à la lenteur, un soin, un regard attentif et appuyé. Il faut scruter un paysage, un visage, l'analyser, dans un temps qui est presque autant celui du dessin que de la photographie. Au cours de ses voyages de quelques semaines, Éric Dessert ne voit donc rien des images qui s'accumulent dans les boites noires de plan-films. Le retour marque la deuxième étape, plus longue que le voyage, qui voit les images naître au jour dans le laboratoire. Eric Dessert a longtemps tiré exclusivement au format du négatif (10 x 12,5 cm), sur des papiers produits dans les années 60, qui avaient une qualité supérieure aux papiers modernes. Les ressources s'épuisant, il a recherché, pour les épreuves de ces nombreux voyages en Chine, des équivalents actuels à ces papiers argentiques de grande qualité. Cette recherche sur la forme, et son évolution, se voit donc dans cette exposition, qui montre pour la première fois, des images de son septième voyage dans la Chine rurale le long du Fleuve Jaune. L’autre Chine d'Éric Dessert, c'est celle des régions rurales des quatre provinces qu'il a parcourues et photographiées entre 2002 et 2012 : Sichuan, Guizhou, Xinjiang et Gansu : « Je ne m'intéresse qu'à ce que je reconnais comme beau, bon et humain. L'ultime but de ma vie est de retenir, le temps d'une image, l'équilibre fragile du temps, de l'espace et de la matière avec au centre l'Homme. Le reste n'intéresse pas, chez moi, ma pratique de la photographie. Mon engagement est spirituel, humain et esthétique. »
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Le fleuve Jaune # Chine - 2012

Le fleuve Jaune # Chine - 2012

Le fleuve Jaune # Chine - 2012

Le fleuve Jaune # Chine - 2012
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FRANÇOISE NUNEZ > FEMMES RENCONTRÉES EN VOYAGE
Françoise Nunez est née en 1957 à Toulouse et ne photographie que pendant ses voyages, toujours en noir et blanc argentique. Elle effectue elle-même ses tirages, ayant appris les secrets de la chambre noire auprès d'un maître renommé dans ce domaine et également photographe, Jean Dieuzaide. Les photographies de Françoise Nunez ont fait l’objet de plusieurs livres : L’Inde jour et nuit chez Filigranes (2004), En Ethiopie, édition réalisée par la conservation des musées de Cannes, Mu-Jo éditions Yellow now (2010), Kalari éditions Arnaud Bizalion (2015) et De Djibouti à Addis éditions Yellow now (2018). Pour le Festival du Regard, Françoise Nunez rend hommage aux femmes rencontrées sur trois continents.
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Femmes rencontrées en voyage # Inde

Femmes rencontrées en voyage # Inde

Femmes rencontrées en voyage # Sri Lanka- 2018

Femmes rencontrées en voyage # Inde
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JEAN-CHRISTOPHE BÉCHET > JEAN-CHRISTOPHE BÉCHET SUR LES VOLCANS D’INDONÉSIE
En Indonésie, la vie s’organise autour des volcans. Des millions de personnes vivent sur leurs flancs et plus de cent d’entre eux sont considérés comme actifs. Le mot « Gunung » est un terme générique qui caractérise aussi bien des montagnes que des volcans ; il résonne comme le patronyme d’un Dieu auquel on doit se plier. Des temples et des parcs naturels utilisent aussi ce nom qui sonne comme une menace : « En 2005, dans les îles de Java, Bali et Lombok, je suis allé voir comment la vie s’organisait sur les pentes de ces volcans actifs. Du célèbre Krakatau qui bouleversa, en 1883, la carte géographique de la région aux inquiétants Merapi, Bromo, Semaru, Kawah Ijen ou Rinjani, j’ai arpenté les sentiers de pierre, de cendres et de fumée. Au cœur d’une nature excessive et exubérante, entre enfer et paradis, j’ai choisi le film n&b et le format panoramique pour restituer la densité et la sévérité du pays des Gunung ». Les photographies présentées ici ont fait l’objet d’un livre édité chez Transphotographic Press.
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Volcans d’Indonésie # Gunung, Indonésie - 2005

Volcans d’Indonésie # Gunung, Indonésie - 2005

Volcans d’Indonésie # Indonésie - 2005

Volcans d’Indonésie # Gunung, Indonésie - 2005
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MAX PAM > GOING EAST, 1972-1992
Le nom de Max Pam est intimement associé au voyage photographique.
Né en 1949 à Melbourne, et après deux ans passés dans l’université de Monash comme technicien photographe, Max Pam réalise ses premières photographies lors d’un sacré périple : « fin 1969, alors que je regardais une manifestation contre la guerre du Viet-Nam, je tombe sur une petite annonce sur un panneau dans la salle des étudiants : astrophysicien cherche accompagnateur pour voyage en coccinelle WV de Calcutta à Londres. Le surf m’a initié à la culture hippie dont le Sacré Graal se trouvait quelque part à Katmandou. Je n’ai pas pu résister. J’ai été pris. En février 1970 nous rentrions au Népal, trois mois plus tard nous étions à Istanbul. Au retour, je quittais les études que je poursuivais en Angleterre, pour partir en Inde en stop. À la frontière yougoslave j’ai été pris par des anglais, on avait l’impression que leur camionnette était un énorme cachet de LSD mauve. On s’est séparé en Grèce, j’ai poursuivi seul, j’ai dû vendre mon sang à Kavala, avant d’être pris en stop par un car de hippies. Nous avons traversé la Turquie, la Syrie, l’Irak, l’Iran et l’Afghanistan et finalement l’Inde. J’étais parti d’Angleterre avec un Hasselblad. Au cours de mon voyage en Orient, sans trop savoir quand ni comment, j’étais devenu photographe. ».
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Going East # Sud de l’Inde - 1990

Going East Young movie star # Jaisalmer, Inde - 1978

Going East # Bombay Beach, Inde - 1989

Going East # Sud de l’Inde - 1990
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SABINE WEISS > LAPONIE
On ne présente plus Sabine Weiss, après nous avoir confié une dizaine de tirages réalisés à Pontoise en 1991 et exposés l’année dernière au Festival du Regard, la grande dame de la photographie nous a ouvert ses archives et offert l’exclusivité de photographies inédites réalisées lors d’un voyage en Laponie en 1957 : « Ce reportage était une commande du magazine américain Holiday, pour lequel j’ai travaillé presque 20 ans, qui n’a rien trouvé de mieux que de m’envoyer en Laponie entre Noël et le Jour de l’An ! C’était selon eux le moment de l’année où il y avait la meilleure lumière… En réalité il n’y avait pas de lumière et la journée ne durait que quelques heures. Les films photographiques de l’époque étaient très peu sensibles, ce qui m’obligeait à travailler soit sur trépied, soit à main levée avec des risques de flou de bougé. Autre inconvénient, le froid, très vif, il devait faire dans les - 40°, qui cassait le film dans mon appareil photo. Les conditions de travail étaient particulièrement difficiles mais je garde un très bon souvenir de ce voyage vraiment extraordinaire. Ces grandes étendues blanches à perte de vue, des rennes craintifs qui me tournaient autour dans l’enclos, des repas pris dans les maisons en bois, des bottes en peau de renne qu’on fourrait avec de la paille et tant d’autres souvenirs. »
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# Laponie - 1957

# Laponie - 1957

# Laponie - 1957

# Laponie - 1957
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VIVIAN MAIER > CHAMPSAUR
Tout le monde ou presque connaît Vivian Maier. Depuis que John Maloof un agent immobilier de Chicago a mis la main sur des malles contenant ses photographies dans une salle des ventes en 2007.
Vivian Maier naît en 1926 à New York mais vient vivre avec sa mère en France, dans le Champsaur près de Gap, de 6 à 12 ans et elle y suit le cours préparatoire. Sa mère Maria Jaussaud est née dans cette région et comme beaucoup d’habitants de la vallée a dû émigrer aux Etats-Unis en 1905. En 1951, Vivian Maier revient en France solder une affaire d’héritage. Elle vend le domaine de Beauregard hérité de sa grand-tante, et avec la somme peut s’acheter un appareil photo Rolleiflex qu’elle ne quitte jamais, et faire de nombreux voyages. En 1958, elle prend plusieurs mois de congés sans solde et entame seule un tour du monde qui s’achève à Marseille puis... dans les Hautes-Alpes, au Champsaur. Là, toujours son Rolleiflex autour du cou, elle réalise de nombreux portraits de Champsaurins, part en randonnée et photographie les paysages de montagne, les villages avec leurs clochers caractéristiques, etc… C’est grâce à ces clochers que John Maloof va faire la connexion avec la France... En 2010, le maire de Saint Julien en Champsaur, Daniel Arnaud, reçoit une demande d’un généalogiste qui fait des recherches sur une certaine Vivian Maier... avec son adjoint, il va mener une véritable enquête auprès des gens qui auraient pu la connaître. L’année suivante John Maloof vient leur rendre visite avec dans sa valise une cinquantaine de tirages qu’il offre à la commune. Daniel Arnaud, son adjoint Alain Robert et la juriste Françoise Perron créent l’association Vivian Maier et le Champsaur pour diffuser et faire connaître les photographies réalisées en France. Sur place et dans les villages autour, un parcours est créé qui reprend les lieux qu’elle a photographiés. L’année dernière a été inaugurée la Maison de la photographie Vivian Maier.
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Champsaur Mme Josepha Blanchard # France - 1958

Champsaur Entreprise Festa # Saint-Bonnet, France - 1958

Champsaur Planche contact # France - 1958

Champsaur Mme Josepha Blanchard # France - 1958
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