BOURSE DU TALENT
REPORTAGE
NATHALIE LESCUYER > NEED
Pendant plusieurs mois, la photographe a « voyagé dans la nuit des migrants ». Poussée par une nécessité intérieure dont atteste le titre de sa série Need, Nathalie Lescuyer propose un témoignage qui parle des errements de notre monde autant que de l’errance de l’autre. Cette altérité est mise en dialogue avec les ressentis de la photographe dans une suite ouverte d’images intimes, incantatoires, fulgurantes dans leur violence poétique. Il s’agit ici de rendre tangible la tension entre le bruit du monde et la parole exclue des migrants et de rétablir l’échange entre plusieurs intériorités bouleversées.
Sélection
Need. # France – 2017-2018
Need. # France – 2017-2018
Need. # France – 2017-2018
Need. # France – 2017-2018
Commentaire ♥♥♥♥♥
NADÈGE MAZARS > DIEU EST NOTRE DERNIÈRE CARTOUCHE
La conversion à l’évangélisme est devenue l’unique possibilité tolérée par les leaders de gang d’en sortir sans perdre la vie, dans un pays dévasté par une violence endémique de plus de 20 ans : le Salvador. C’est ce dont témoigne Nadège Mazars, photographe française installée à Bogota depuis 2007, dans Dieu est notre dernière cartouche.
Les conversions se font généralement en prison. L’une d’entre elle, située à San Francisco de Gotera dans le nord-est du pays, révèle l’importance du phénomène. En à peine deux ans, les 1 500 prisonniers condamnés pour leur activité dans le gang Barrio 18 sont tous devenus de fervents évangélistes.
Dans le contraste d’un noir et blanc brutal, Nadège Mazars raconte les mutations d’une société entre rédemption et violences. On suit la conversion religieuse de repentis et leurs nombreuses séances au laser, nécessaires pour effacer les tatouages symboles de l’appartenance aux gangs. Il n’existe pas de réelle politique publique proposant une alternative. Raconter l’histoire de ces anciens membres est important, pour mettre en lumière leur volonté de changement et le besoin d’une action politique de transformation sociale au Salvador, au travers de programmes de réhabilitation qui pourraient aider à arrêter une guerre sans nom. Raconter leur histoire permet aussi d’approfondir la compréhension des dynamiques sociales alimentant la problématique des gangs.
Sélection
Dieu est notre dernière cartouche. Les habitants assistent à l’enterrement d’un militaire. Son meurtre aurait été commandité par des membres du gang MS-13. # Las Delicias de Concepción, Salvador - 2017
Dieu est notre dernière cartouche. Un policier patrouille dans le quartier de Matazano. L’endroit est sous le contrôle du MS-13. # Ilopango, Salvador - 2017
Dieu est notre dernière cartouche. Le laser a effacé les tatouages de Raúl sur son bras. # San Salvador, Salvador - 2017
Dieu est notre dernière cartouche. Les habitants assistent à l’enterrement d’un militaire. Son meurtre aurait été commandité par des membres du gang MS-13. # Las Delicias de Concepción, Salvador - 2017
Commentaire ♥♥♥♥♥
NICOLA BERTASI > LIKE RAIN FALLING FROM THE SKY [COMME LA PLUIE QUI TOMBE DU CIEL]
Nicola Bertasi s’est intéressé aux conséquences environnementales de la guerre du Vietnam et ses recherches l’ont conduit sur les traces de l’agent orange, défoliant utilisé par l’armée américaine pendant la guerre. La dispersion de l’agent orange au Vietnam a été la plus terrible tentative de l’Histoire, d’éradiquer la nature dans le but d’atteindre des êtres humains ; elle constitue un véritable écocide.
Même si les désastres de l’utilisation du défoliant sur les êtres humains ont été largement documentés, les répercussions sur l’environnement le sont beaucoup moins. La dioxine qu’il contient peut contaminer les terres pendant plus de cent ans et ainsi intoxiquer les animaux et les semences. Les forêts primaires qui abritaient auparavant des milliers de plantes séculaires sont aujourd’hui devenues des forêts secondaires, touchées par la surpopulation de certaines espèces qui menacent la biodiversité.
Réalisé en argentique moyen format, ce projet alterne des diptyques/documents où les témoignages sont fidèlement reportés avec une machine à écrire, à côté de portraits des personnes rencontrées et de photographies d’une nature violentée qui aujourd’hui renaît, mais qui n’est plus celle d’autrefois.
Nicola Bertasi soulève dans cette série la question du basculement de notre rapport à l’image de guerre. Les conflits contemporains sont devenus selon lui des faits abstraits, relatés à travers une profusion d’images liquides, que l’on a tendance à oublier. En composant une mosaïque d’informations visuelles, il cherche à raviver le récit et les images pour ne pas oublier et refaire œuvre de mémoire.
Sélection
Like Rain Falling from The Sky [Comme la pluie qui tombe du ciel]. Des vendeurs de souvenirs accueillent les visiteurs à Khe Sanh. Montage sur une vue contemporaine de trois images d’archives du siège en 1968 issues du Bravo Project. # Province de Quàn Tri, Viêt Nam - 2018
Like Rain Falling from The Sky [Comme la pluie qui tombe du ciel]. Les bunkers américains capturés par les soldats du Front de libération du Sud Viêt Nam lors du siège de Khe Sanh en 1968. Montage d’une image d’archive issue du Bravo Project sur une vue contemporaine. # Province de Quàn Tri, Viêt Nam - 2018
Like Rain Falling from The Sky [Comme la pluie qui tombe du ciel]. Hélice d’un avion de guerre américain à Khe Sanh. # Province de Quàn Tri, Viêt Nam - 2018
Like Rain Falling from The Sky [Comme la pluie qui tombe du ciel]. Des vendeurs de souvenirs accueillent les visiteurs à Khe Sanh. Montage sur une vue contemporaine de trois images d’archives du siège en 1968 issues du Bravo Project. # Province de Quàn Tri, Viêt Nam - 2018
Commentaire ♥♥♥♥♥
SÉBASTIEN LEBAN > TANGIER, L’ÎLE PERDUE
Sébastien Leban témoigne et documente dans son travail photographique l’impact du changement climatique sur les populations du monde entier. Dans sa série, Tangier, l’île perdue, le photographe s’intéresse à une île des côtes de Virginie, aux États-Unis, où l’océan Atlantique ronge chaque année plus de quatre mètres de terre. Les habitants de Tangier sont parmi la plus exposés de l’Est américain et pourraient devenir les premiers réfugiés climatiques des États-Unis d’ici 25 ans si Washington n’érige pas de digue pour contrer la montée des eaux. La série parcourt l’île qui culmine à 94 centimètres au-dessus de l’océan et dresse le portrait de ses habitants vivants principalement de la pêche aux crabes, climatosceptiques convaincus. Ces photographies témoignent également du déni de cette communauté conservatrice qui a contribué à l’accession à la Maison Blanche le candidat ouvertement climato- sceptique Donald Trump. En ce sens, Tangier est une métaphore de l’absurde.
Sélection
Tangier, l’île perdue. Vue aérienne où l’on distingue l’une des rues principales. La marée haute a recouvert les routes et jardins et élargi les marécages déjà très nombreux. Largement dévastée en 2012 lors du passage de l’ouragan Sandy, Tangier redoute un nouvel épisode qui pourrait être fatal. # Tangier Island, Virginie, États-Unis - 2018
Tangier, l’île perdue. Le maire de Tangier a installé dans les marécages de l’île des croix qui portent un message évocateur : Christ is life. La religion est omniprésente et des sermons anti-mariage gay et anti-avortement sont distillés plusieurs fois par semaine dans les deux paroisses de l’île. # Tangier Island, Virginie, États-Unis - 2018
Tangier, l’île perdue. Tommy, 40 ans, pêcheur de crabes. Il possède un des plus gros bateaux de Tangier, ainsi qu’une échoppe où les jeunes viennent manger une glace ou un milk shake en fin de journée. C’est un fervent soutien de Donald Trump. # Tangier Island, Virginie, États-Unis - 2018
Tangier, l’île perdue. Vue aérienne où l’on distingue l’une des rues principales. La marée haute a recouvert les routes et jardins et élargi les marécages déjà très nombreux. Largement dévastée en 2012 lors du passage de l’ouragan Sandy, Tangier redoute un nouvel épisode qui pourrait être fatal. # Tangier Island, Virginie, États-Unis - 2018